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Aziber Seïd Algadi premier avocat tchadien du barreau de Paris

Aziber Didot-Seïd Algadi : une vie entre le Tchad et Paris

À 40 ans, le premier avocat tchadien du barreau de Paris met tout en œuvre pour conserver le lien avec son pays natal. Professeur, rédacteur en chef et même propulseur de talents, Aziber Didot-Seïd Algadi mène une vie engagée entre le Tchad et Paris.

 

Dès les premières minutes, Aziber Didot-Seïd Algadi impressionne. Longiligne en costume bleu nuit et chaussures cirées, l’avocat sait ce qu’il veut, et où il va. À tel point qu’il est difficile de le suivre dans les longs couloirs de la Défense. Ce n’est qu’une fois installé, qu’il adopte une attitude plus décontractée et un tout nouveau visage. Le regard doux, Aziber Didot-Seïd Algadi se livre lentement. Il raconte sa vie et sa carrière engagée entre le Tchad et Paris.

 

Un acharné aux multiples facettes

« J’adore avoir plusieurs casquettes », sourit l’avocat de 40 ans. Et effectivement, Aziber Didot-Seïd Algadi ne s’est pas arrêté à son métier d’avocat d’affaires spécialisé dans le droit des entreprises en difficulté. Né d’un père tchadien et d’une mère française, bachelier à seulement 15 ans, ce petit génie pratique aussi le droit des étrangers gratuitement, à destination des Africains. « Je le fais vraiment par passion. Je ne serai jamais un avocat riche, mais je veux les aider. Pourquoi refuser à quelqu’un de venir sur un territoire ? On s’installe où on veut ! », s’emporte-t-il. Et cette passion lui prend du temps, si bien qu’il est obligé de multiplier les activités, « pour vivre ». Il est aussi rédacteur en chef d’une revue juridique mensuelle depuis 2017 et enseigne au CRFPA.

 

Son engagement pour le Tchad passe aussi par les liens associatifs qu’il entretient. Très attaché aux droits de l’homme et à ceux des Tchadiens qu’il rencontre et qu’il défend, il arrive parfois à Aziber Didot-Seïd Algadi de manifester aux côtés d’associations. « C’est rare, mais ça me tient à cœur ». Pourtant, l’avocat d’affaires ne souhaite pas en parler davantage.

Dernière casquette que l’avocat entre le Tchad et Paris tente désormais d’enfiler : celle de représentant du Tchad à l’ONU. Il souhaite y pratiquer le droit international. « Le Tchad y est sous-représenté. J’aimerais apporter ma contribution, mais pour l’instant, ça ne mord pas. »

Garder le lien avec le Tchad : l’engagement d’une vie

 

À ce jour, il n’existe aucune convention entre le Tchad et la France pour permettre à un ressortissant tchadien de s’inscrire à l’examen d’entrée au barreau de Paris. « Je me bats pour établir une convention entre le barreau de Paris et l’unique barreau du Tchad, explique-t-il. Je veux garder le lien. » L’ouverture de ce droit est un combat que mène Aziber Didot-Seïd Algadi depuis dix ans. Lui, avait pu défendre sa thèse sur l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) à l’université de Toulouse, avant de devenir avocat en 2013, grâce à une dérogation exceptionnelle.

Pour conserver ce lien« très cher » à ses yeux, Aziber Didot-Seïd Algadi a trouvé une autre solution. Chaque jour, il répond fièrement à plusieurs demandes d’informations de la part d’étudiants tchadiens sur Facebook. Il sollicite ensuite des professeurs qu’il connaît, pour qu’ils trouvent, ou qu’ils deviennent eux-mêmes leurs directeurs de thèse. « Les Tchadiens ne mènent souvent pas leurs études jusqu’à la thèse, parce qu’ils gagnent déjà bien leur vie avec une maîtrise et ils ne poussent pas plus loin », regrette-t-il.

Aziber Didot-Seïd Algadi est devenu le premier
avocat tchadien au barreau de Paris en 2013. 

Une vie ponctuée de regrets

Difficile d’obtenir des informations plus personnelles. Aziber Didot-Seïd Algadi ne se livre pas, ou peu, sur sa vie en France. « Vous appuyez sur des points qui font mal », concède-t-il en riant, après une heure d’entretien. Car au fond, l’avocat est frustré, déçu par les nombreux échecs qui ponctuent son parcours.

Depuis dix ans, il tente – en vain – de devenir professeur agrégé au Tchad et en France. « Au Tchad, il n’y a que très peu de professeurs agrégés et je voulais relever ce niveau », dit-il, l’air rêveur. Mais là aussi, ça coince. Il tente à huit reprises de devenir professeur en France, au Tchad et même au Cameroun. Sans succès. « Au final, je me demande à quoi ça sert. »

« J’aurais pu avoir une carrière brillante en Afrique, concède l’avocat avec une tristesse certaine, mais j’ai choisi de rester ici, à Paris ». Non sans amertume, il évoque le rejet de plusieurs de ses pairs depuis sa thèse, souvent sans raison valable. Du racisme ? Il se refuse à y penser. « Je ne veux pas croire ça, je ne veux même pas l’envisager. » Pour lui, rien n’est perdu. Et Aziber Didot-Seïd Algadi le dit lui-même : sa vie sera toujours partagée entre le Tchad et Paris.

 

Crédit illustration : Inès Pons-Teixeira.