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Simba Baumgartner, arrière-petit-fils de Django Reinhardt, perpétue la tradition du jazz manouche.

Simba Baumgartner, le jazz manouche dans les veines

Pour l’arrière-petit-fils de Django Reinhardt, légende du jazz manouche, la musique est une histoire de famille. Guitare à la main, Simba Baumgartner, 25 ans, perpétue à son tour cet héritage des gens du voyage.

Simba Baumgartner n’est peut-être pas roi, mais guitare en main, il a tout d’un lion. Ses doigts dansent avec légèreté sur le manche de bois, pinçant les cordes au gré des accords. Son instrument calé sur une jambe, il bat frénétiquement la cadence de son pied libre. Le charme est immédiat. Impossible de résister au rythme entraînant du jazz manouche.

Le jeune homme est ici dans son élément. Dans sa famille, la musique est presque une tradition. Son arrière-grand-père n’est autre que Jean « Django » Reinhardt (1910-1953), artiste emblématique ayant fondé le jazz manouche dans les années 30. Son grand-père, Henri « Lousson » Baumgartner (du nom de son beau-père)-Reinhardt, est l’ainé des fils de Django. Né d’un premier mariage, il était lui aussi un éminent guitariste.

Depuis son enfance, Simba Baumgartner s’efforce de marcher dans les pas de ces aïeux qu’il n’a pas connus. À quatre ans – il en a aujourd’hui 25 – il empoigne sa première guitare, encouragé par ses parents et séduit par les sonorités de jazz manouche qui peuplent sa caravane. « Il y avait tout le temps de la musique, j’ai grandi avec, se remémore-t-il, d’une voix douce. J’ai découvert Django en entendant les autres jouer ses morceaux. » 

À dix ans, il monte sur scène pour la première fois, lors du festival monégasque Le Bal de la rose. Rien que ça. À Monte-Carlo, le jeune garçon côtoie notamment le programmateur Biréli Lagrène, célèbre guitariste de jazz, et le groupe Chico et les Gypsies, mené par un ancien des Gypsy Kings.

 

Une vie sur la route

Il enchaîne ensuite les petits concerts, au gré des déplacements de sa famille, membres des gens du voyage. Cette dénomination, établie par le droit français, désigne les multiples communautés nomades du pays. Simba Baumgartner, lui, est issu du groupe ethnique rom des Sinté, dont les ancêtres peuplaient l’actuel Pakistan. En France, ils sont plus connus sous le nom de « manouches », soit « êtres humains » en langue sintikès.

Une vie sur la route, d’aire d’accueil en aire d’accueil, que le musicien raconte avec un brin de nostalgie : « J’ai vécu dans toute la France, nous partions en fonction des envies, j’aimais bien ça. Mais pour la musique, ce n’est pas toujours évident. J’étais parfois appelé à l’autre bout du pays, et je devais sauter illico dans un train. »

Pour soutenir leur fils, les parents de Simba s’installent à Samois-sur-Seine. Dans le jargon du voyage, on parle de « sédentarisation ». Cette petite ville d’à peine plus de 2.000 habitants est nichée au dessus de Fontainebleau, au sud-est de Paris.  Le choix de cette destination est loin d’être anodin. C’est ici que l’illustre ancêtre Django Reinhardt finit sa vie et fut enterré, en 1953. Un festival en son nom et en sa mémoire y est organisé tous les ans. Noyé par une crue de la Seine en 2016, puis annulé en raison de la pandémie de Covid-19 en 2020, ce rendez-vous des amoureux de jazz a finalement pu retrouver son public cette année. Pas moins de 15 000 spectateurs s’y sont pressés début juillet.

 

« Django, c’est mon héros »

À Samois-sur-Seine, Django est une véritable religion. Une statue du guitariste y a même été érigée en 2010, lors du centenaire de sa naissance. Comme pour consacrer officiellement ce lieu de pèlerinage de tous ses fans. Quel meilleur environnement pour l’héritier du jazz manouche ? Il y retrouve d’autres descendants de l’icône – Django Reinhardt a eu trois fils – et baigne dans la musique. « Django, c’est mon héros, confie Simba Baumgartner. C’est ma source d’inspiration. Quand j’entends sa musique, ça me donne des frissons, ça me donne même envie de pleurer. »

À vingt ans, c’est la consécration.  Le jeune homme est invité à participer au festival itinérant Django à Gogo, installé cette fois ci à New York. Il y croise notamment Stephane Wrembel, figure du jazz manouche et organisateur de l’évènement, et Stochelo Rosenberg, célèbre guitariste du genre. Un « véritable honneur » pour Simba Baumgartner, qui en profite alors pour enregistrer son premier album, Les Yeux Noirs. Une reprise, comme une évidence, des morceaux de son aïeul. « Quand je joue, j’ai l’impression de voir Django devant moi, avoue-t-il. J’ai le sentiment de lui rendre hommage. Je pense à ma famille, aux anciens musiciens avant moi. »

 

 

 

Abattre les préjugés

Son héritage l’inspire aussi à composer sa propre musique, notamment au sein du projet Django Legacy, où il collabore avec de jeunes musiciens européens pour perpétuer l’âme du jazz manouche. Coincé à Cholet, près d’Angers, pendant le premier confinement, il se lie d’amitié avec une chanteuse locale, Sonya de Meglio. La levée des restrictions sanitaires n’a pas sonné le glas de leur relation et les deux artistes continuent depuis à travailler ensemble.

 

 

Moyen d’expression de son identité manouche, le jazz s’est également révélé être un puissant outil d’intégration. « Ce n’est pas parce qu’on est manouche qu’on aime le jazz, balaye-t-il. Pour le reste, c’est exactement pareil : ce n’est pas parce qu’on est manouche qu’on est un sauvage. Tout le monde n’est pas pareil. Quand j’ai commencé à faire de la musique, je ne voulais pas trop le montrer, je gardais ça pour moi. Mais j’ai rapidement vu que cela changeait complètement les regards.»

« Les gens voyaient que j’étais sérieux, que j’étais connu, et ils me respectaient pour ça, poursuit-il. Je pense que si je ne jouais pas de musique, il aurait été plus compliqué pour ma famille et moi de nous arrêter quelque part. Les gens du voyage sont souvent victimes de racisme. »

Fier de ses racines, Simba Baumgartner met un point d’honneur à passer à son tour le flambeau. Depuis le début de la crise sanitaire, il donne des cours de guitare pour tous les niveaux. Une manière de compenser la disparition des concerts et festivals, et de transmettre à son tour la fièvre du jazz. « Je ne sais pas si j’aurai un jour des enfants, lâche-t-il, songeur. Mais si j’en ai, je les pousserai évidemment à jouer de la guitare. J’ai envie qu’ils prennent un jour ma relève et donc celle de Django. C’est important, c’est notre héritage. »

 

Crédit illustration : Madeline Plainchault.